Harcelée à l’École, elle raconte son calvaire

midi-pyrenees : Crédits : Prix « Non au harcèlement » 2014 – Académie de Toulouse

HARCÈLEMENT A L’ECOLE - Scolarisée à Colombes, dans les Hauts-de-Seine, Elsa, 12 ans, n’est pas prête d’oublier son année de sixième. Une année, difficile, ponctuée au quotidien, d’insultes, de brimades, parfois de menaces, et même de gifles. Comme 10 à 15 % des enfants et adolescents en âge de scolarité, Elsa est victime de harcèlement scolaire. Elle nous raconte sa mésaventure.

Des moqueries au quotidien

Dès son arrivée en sixième, Elsa s’aperçoit très vite qu’elle n’est pas vraiment la bienvenue parmi ses camarades de classe. Sa présence dérange visiblement les autres élèves. Sans raisons particulières, les moqueries commencent à pleuvoir de tous côtés. « Toi t’es moche », « tu ressembles à une poule », « t’as une bouche de chat »Â ou encore « t’es grosse » commence-t-elle à entendre alors à longueur de journée. Des insultes, certes, désobligeantes, mais pas non plus si inhabituelles entre jeunes collégiens. Mais, répétées quotidiennement, les moqueries finissent par peser lourd sur le moral de la jeune fille. Même les cours de sport deviennent éprouvants ; elle sait que ses camarades vont se moquer de sa posture, de sa façon de se mouvoir, ou encore, de tout autre chose. Elsa, pourtant si sereine de nature, finit par ressentir de grands moments d’angoisse, et ce, de plus en plus souvent : «  le soir j’angoisse, je ne sais jamais quelle mauvaise surprise il va encore m’arriver le lendemain, je reçois des insultes tous les jours », « il m’arrive même de me gratter jusqu’au sang tellement je suis en état de stress…».

Gifles et menaces.  Au début de l’année scolaire, Elsa est aussi régulièrement giflée par un camarade de classe. Heureusement pour elle, aidée par un médiateur, le calvaire s’arrête assez rapidement. « Au début, je recevais très souvent des claques de la part de W. mais heureusement j’ai vu un médiateur qui était super sympa, et maintenant cela s’est calmé ».

 « Toi, t’es morte, ma sÅ“ur va venir te frapper à la sortie »

Mais dernièrement, une jeune fille de la classe l’a aussi menacé : « toi, t’es morte, ma sÅ“ur va venir te frapper à la sortie ». Effrayée, la jeune fille en parle, aussitôt, à ses parents, qui interviennent sur-le-champ et désamorcent à temps la situation. Elsa confie ne pas se sentir en sécurité dans son école : « je sais bien qu’en cas de soucis, personne ne viendra me protéger [à part ses parents], même ceux qui se disent mes amis à l’école ». Petit à petit, la jeune fille commence aussi à se dévaloriser et à douter d’elle même : « Et s’ils avaient raison ? je suis peut-être vraiment moche et grosse. A force, je finis par les croire ».

Du bruit et des bagarres incessantes en classe. En dépit des moqueries quotidiennes, Elsa essaie, tant bien que mal, de s’accrocher à ses études. Elle suit attentivement chaque cours, et va se placer au premier rang. Mais, ici, les conditions d’apprentissage ne sont pas des plus faciles. Des bagarres éclatent régulièrement, et selon les dires de la jeune fille, le professeur a bien du mal à contenir l’agressivité quasi-continuelle de ses élèves. Quand le cours peut enfin commencer, généralement au bout de 20 bonnes minutes, c’est dans le brouhaha général : « il n’y a jamais de silence dans la classe, j’ai vraiment du mal à suivre les cours et en plus, je me fais souvent insulter durant les cours, ce qui m’empêche de me concentrer ».

Des réseaux sociaux qui amplifient et déforment. Et puis à tout cela, vient s’ajouter le poids des réseaux sociaux, omniprésents dans la vie de la jeune fille, ce qui ne manque pas de compliquer, encore davantage, les choses. Les propos tenus par la jeune fille sont souvent déformés et,délibérément, mal interprétés. Une photo sur un compte Instagram lui a d’ailleurs valu des remontrances de la part d’une de ses camarades. Quand Elsa rentre chez elle, le lien avec ses camarades ne s’interrompt pas, il se poursuit, parfois, jusque tard, dans la nuit.

« j’ai passé une partie de ma nuit à essayer de sauver une fille qui voulait se suicider »

Si Elsa ne se sent pas très bien à l’école, elle essaie de relativiser car certains de ses camarades ne vont pas non plus très bien. Dernièrement, il lui est même arrivé de rester connectée sur internet durant une grande partie de la nuit pour réconforter une camarade qui avait annoncé sur un réseau social qu’elle comptait se suicider.

La « babtou »Â 

Mais pourquoi cette jeune fille est-elle devenue le bouc émissaire de sa classe ? De quelle discrimination est-elle la victime ? Elle n’est pas en surpoids, les traits de son visage sont harmonieux et parfaitement symétriques, elle ne souffre d’aucun handicap, son apparence est soignée, elle s’exprime bien et est même, particulièrement, sociable. Finalement, rien ne la différence vraiment des autres, si ce n’est, peut-être, les traits de son visage, caucasiens. C’est en effet la seule élève de sa classe à être d’origine européenne. Les autres élèves la surnomment d’ailleurs « la blanche », ou encore, « la babtou » (verlan de « toubab » qui désigne des personnes de couleur blanche).

Du racisme ? Pas vraiment…

Pour Elsa, l’origine de toutes ces moqueries ne serait pas liée à sa couleur de peau mais plutôt à un manque de fermeté de sa part. « Je sais bien qu’on est tous pareil. La couleur de peau ne change rien. Je pense que j’ai juste accordé trop rapidement ma confiance aux autres et qu’ils en profitent maintenant ». Choyée par ses proches, Elsa a en effet  grandi au sein d’une famille particulièrement aimante et protectrice. Elle ne s’est peut-être pas suffisamment préparée au monde de l’extérieur, un monde parfois un peu rude et cruel, surtout entre préadolescents qui ne se rendent pas toujours très bien compte de la portée de leurs mots. Un peu confuse, comme si elle venait de faire une grosse bêtise, Elsa  avoue : « la dernière fois, j’ai vraiment pété les plombs en classe, je n’en pouvais plus, je me suis énervée et j’ai crié contre tout le monde, cela les a un peu calmé ».

>> Lire la suit de l’article : harcèlement à l’école, le combat de parents pour sauver leur fille

Un cas loin d’être isolé

La situation d’Elsa est loin d’être un cas isolé. D’après les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, le harcèlement à l’École toucherait environ 10 à 15 % des enfants et adolescents en âge de scolarité obligatoire en France. Près de 700 000 élèves en seraient ainsi victime. Dans certaines villes, comme à La Colle-sur-Loup, dans les Alpes-Maritimes, des ateliers de réflexion sur le harcèlement sont d’ailleurs mis en place au sein des établissements scolaire afin de sensibiliser les élèves face au harcèlement scolaire vécu par leurs camarades en leur apprenant à rester vigilant. Ils réfléchissent aussi sur les actions à mettre en place pour protéger leurs camarades en situation d’isolement et.de détresse.

En décembre 2016, la cas d’Emilie Monk avait déjà ému beaucoup de personnes. Harcelée depuis la cinquième, cette jeune fille, scolarisée dans un collège privé à Lille, décidait de mettre fin à ses jours en se défenestrant. Elle laissera derrière elle, un journal intime relatant son calvaire publié par ses parents et intitulé « rester fort ».

Votre enfant est aussi victime de harcèlement scolaire ? En cas de harcèlement, le site du ministère de l’Education nationale préconise de ne pas intervenir directement auprès de l’auteur des faits mais plutôt de prendre un rendez-vous avec la direction de l’établissement scolaire ou avec un délégué de parents d’élèves. Vous pouvez aussi composer le 3020 (numéro vert) afin d’obtenir des conseils complémentaires.

En savoir plus sur le harcèlement scolaire

â–ºLe journal intime d’Emilie Monk : « Rester fort »Â publié aux éditions Slatkine et Cie, 9,90 euros
â–ºLes Parents, site d’une association luttant contre le harcèlement scolaire : http://www.assolesparents.org/
►Portail du Ministère de l’Éducation nationale, guide et ressources pratiques face au harcèlement scolaire http://www.nonauharcelement.education.gouv.fr

Note : Elsa, n’est pas le véritable prénom de la jeune fille, mais un pseudonyme, afin de préserver son anonymat.

 



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