RÉGIONS / FORMATION PRO. Le rapport intitulĂ© « Cartographie de l’enseignement professionnel », publiĂ© en juillet, par l’Inspection gĂ©nĂ©rale de l’Éducation nationale (Igen) et l’Inspection gĂ©nĂ©rale de l’administration et de l’Ă©ducation nationale et de la recherche (Igaenr), rĂ©vèle certains points de discontinuitĂ© observĂ©s dans l’enseignement professionnel en rĂ©gion, notamment l’octroi de formations amĂ©liorant l’adaptabilitĂ© Ă l’emploi mais qui, pour autant, ne seraient pas suffisamment adaptĂ©es aux rĂ©alitĂ©s Ă©conomiques.
Un constat dĂ©jĂ observĂ© en 2013. Dans un rapport de 2013 visant le redressement productif par la formation, titrĂ© « Ă©volution des cartes de formations professionnelles et technologiques Ă la rentrĂ©e 2013″, plusieurs responsables acadĂ©miques se disaient dĂ©jĂ « insatisfaits de diplĂ´mes trop nombreux et trop spĂ©cialisĂ©s ne rĂ©pondant pas forcĂ©ment aux besoins des entreprises locales ». Selon eux « les entreprises locales ont parfois des besoins qui nĂ©cessiteraient des adaptations par rapport aux rĂ©fĂ©rentiels nationaux ».
Le rapport prĂ©conisait alors d’Ă©viter « toute forme de surenchère en matière de qualification afin de continuer de rĂ©pondre aux besoins locaux par les niveaux V et IV ».
Une surenchère des qualifications au détriment des besoins locaux
Dans ce nouveau rapport les inspections observent une course Ă la qualification de niveau supĂ©rieur susceptible d’amĂ©liorer l’adaptabilitĂ© Ă l’emploi mais qui, pour autant, ne rĂ©pond pas forcĂ©ment aux besoins rĂ©gionaux. De surcroĂ®t, les rĂ©alitĂ©s locales seraient insuffisamment prĂ©cisĂ©es ou, du moins, trop peu formalisĂ©es : « le pilotage de l’appareil rĂ©gional de formation professionnel s’inscrit davantage comme une rĂ©ponse aux impĂ©ratifs de la scolarisation et de qualification des jeunes qu’aux rĂ©alitĂ©s Ă©conomiques locales, au demeurant, souvent mal connues ».
Des outils de prospective insuffisants
Les processus mis en Ĺ“uvre par les acteurs en rĂ©gions pour apprĂ©hender les besoins en qualification du monde professionnel tout en tenant compte de la demande sociale exprimĂ©e ne sont pas suffisamment prĂ©cisĂ©s et dĂ©finis. L’analyse des schĂ©mas rĂ©gionaux ne permet pas d’identifier clairement une carte des formations adaptĂ©e aux dĂ©veloppements locaux et reste dĂ©terminĂ©e par des Ă©tudes nationales. Sans concertation entre les acteurs et sans outils de prospective de qualitĂ©, difficile alors de produire une information objective. Les inspections prĂ©conisent dans leur rapport de renforcer le caractère opĂ©rationel du CPDRFOP en intĂ©grant notamment le calendrier, les principes et les modalitĂ©s concernant l’évolution annuelle de la carte des formations professionnelles et technologiques.
Les rĂ©gions, trop « dĂ©connectĂ©es »  des politiques nationales
Les inspecteurs observent aussi une absence de rĂ©fĂ©rence Ă la politique du ministère de l’Ă©ducation nationale dans les Contrat de Plan RĂ©gional de DĂ©veloppement des Formations (CPRDF) : « tout se passe un peu comme si les CPRDF n’avaient aucune correspondance, aucun lien, avec des enjeux Ă©ducatifs nationaux ». Ces derniers prĂ©conisent notamment la « professionnalisation des acteurs » afin de dĂ©velopper en rĂ©gion une fonction d’appui au diagnostic de la relation formation-emploi,pour renforcer le dialogue entre les acteurs de l’éducation nationale et les instances rĂ©gionales.
Trop d’uniformitĂ©, absence de spĂ©cificitĂ©s rĂ©gionales
La carte des formations professionnelles ne sont pas suffisamment diffĂ©renciĂ©es d’une rĂ©gion Ă l’autre. D’avantage de spĂ©cialisations autour de quelques filières et branches permettraient aux rĂ©gions de se dĂ©marquer, notamment pour privilĂ©gier « l’émergence de champions rĂ©gionaux » conformĂ©ment aux politiques europĂ©ennes.
Des diplĂ´mes supĂ©rieurs pas forcĂ©ment pourvoyeurs d’emplois
La montĂ©e en compĂ©tences via un diplĂ´me supĂ©rieur ne serait pas forcĂ©ment une rĂ©ponse au chĂ´mage  et pourrait aussi, dans bien des cas, complexifier, un tant soit peu, la relation formation – emploi : « entendue comme une rĂ©ponse Ă la question rĂ©currente de l’adaptation des formations aux Ă©volutions des emplois, l’élĂ©vation du niveau de qualification associĂ© Ă la recherche d’une plus grande polyvalence qui caractĂ©rise de nombreuses formations professionnelles dans les secteurs Ă effectif important, mais aussi dans une certaine mesure dans celles Ă petits flux, tend Ă s’imposer et Ă Â complexifier davantage encore la relation formation – emploi ».
Disqualification des certifications intermédiaires
Les inspections expliquent que la montĂ©e en compĂ©tences s’exerce essentiellement par l’obtention d’un diplĂ´me supĂ©rieur. Les formations professionnelles, initialement mises en place il y a une trentaine d’annĂ©es pour des parcours de formations relativement courts, se confondraient ainsi avec celles de l’enseignement gĂ©nĂ©ral, dĂ©tournant ainsi les formations professionnelles de leurs visĂ©es premières : »Le mouvement vers le haut est rĂ©vĂ©lateur du principe d’action qui accompagne depuis son origine le dĂ©veloppement de l’enseignement technique et professionnel en France, lequel tend au rapprochement de ces enseignements avec l’enseignement gĂ©nĂ©ral, conduisant par lĂ -mĂŞme Ă Â dĂ©tourner inĂ©luctablement les formations professionnelles de leur vocation première ».
Selon eux, cette montĂ©e vers le haut, bien que positive, pourrait disqualifier les certifications intermĂ©diaires et ainsi freiner les personnes ne pouvant accĂ©der Ă un tel niveau d’Ă©tudes.
Hyper spécialisation
La multiplicitĂ© des spĂ©cialitĂ©s complexifierait la cartographie des formations sans pour autant garantir une insertion professionnelle : « l’hyper spĂ©cialisation…qui caractĂ©rise un enseignement chargĂ©Â de dĂ©livrer une rĂ©ponse adaptĂ©e aux besoins Ă©conomiques, est aujourd’hui clairement interrogĂ©e. Non seulement, elle contribue Ă la faible lisibilitĂ© de cet enseignement mais elle ne garantit en rien une insertion professionnelle rĂ©ussie ». Selon le rapport des inspections « l’hypothèse selon laquelle cette multiplicitĂ© des spĂ©cialitĂ©s serait garante d’une rĂ©ponse plus en phase avec les besoins exprimĂ©es par le monde Ă©conomique ne rĂ©siste pas Ă l’épreuve des faits comme en attestent les travaux conduits au sein de certaines CPC »"
- 187 spécialités de CAP
- 52 spécialités de BEP
- 101 spécialités du baccalauréat professionnel
- 58 spécialités du brevet professionnel
- 29 spécialités de mention complémentaire de niveau V
- 23 spécialités de mention complémentaire de niveau IV
- 13 spécialités du brevet de technicien supérieur
- 27 spĂ©cialitĂ©s du diplĂ´me des mĂ©tiers d’art
Le rĂ©sultat d’une lutte de pouvoir entre intervenants locaux…
« la volontĂ© de conserver certains diplĂ´mes relèvent parfois moins d’une nĂ©cessitĂ© d’adaptation des formations aux emplois ou Ă la prĂ©servation de certains savoir-faire, que de luttes entre les acteurs qui interviennent au diffĂ©rents niveaux du processus d’implantation d’une formation ».
…oĂą les pourvoyeurs d’emploi ne sont pas consultĂ©s.
« Les titulaires de l’emploi sont, pour leur part, largement absents de ce processus. Ce sont dès lors les points de vue et les attentes de l’organisation professionnelle ou de l’encadrement qui dominent ».