Flexisécurité : faut-il copier le Danemark ?

midi-pyrenees : Flickr Photos Alejandro

La rĂ©forme du Code du travail encourage la flexibilitĂ© tout en sĂ©curisant le parcours des travailleurs tout au long de leur vie. Elle vise notamment Ă  libĂ©rer les Ă©nergies tout en favorisant l’emploi. Un tel dispositif peut-il s’apparenter au modèle de « flexisĂ©curité » mis en place au Danemark ? Si oui, comment ?

La flexisécurité danoise : bien plus qu’économique, tout un mode de vie

La rĂ©ussite de la flexisĂ©curitĂ© danoise, repose avant tout sur le fameux « triangle d’or », c’est-Ă -dire sur la combinaison de trois facteurs : un marchĂ© du travail flexible, une protection sociale gĂ©nĂ©reuse, ainsi que des politiques actives de l’emploi.

Une partie des emplois étant de toute manière voués à disparaître, notamment du fait du progrès et des nouvelles technologies, il paraît plus opportun de se concentrer sur la sécurisation du parcours des travailleurs plutôt que sur la préservation de leurs emplois.

Si la première loi de flexisĂ©curitĂ© a Ă©tĂ© mise en place aux Pays-bas, Ă  la fin des annĂ©es 90, avec la loi intitulĂ©e « flexibilitĂ© et sĂ©curitĂ© », c’est pourtant bien le Danemark, qui, sans l’avoir proprement dĂ©fini, en est le prĂ©curseur. Plus qu’un concept Ă©conomique, au Danemark la flexisĂ©curitĂ© serait mĂŞme culturelle. Henning Jorgensen dĂ©crit d’ailleurs  la flexisĂ©curitĂ© danoise comme « un mode de vie ordinaire de la sociĂ©tĂ© danoise, installĂ© depuis plus d’un siècle » et constamment revigorĂ©, dynamisĂ©. En somme, une flexisĂ©curitĂ©, qui serait dĂ©jĂ , bien ancrĂ©e dans les mentalitĂ©s.

Peut-on vraiment transposer un mode de vie d’une nation, une manière de penser et d’apprĂ©hender le travail, simplement en entĂ©rinant des rĂ©formes ?

Un taux de chĂ´mage autour de 6%

Le système danois n’est pas celui ayant le chômage le plus bas mais reste assez performant au niveau de l’emploi. Selon les données fournies par Eurostat, au Danemark, en 2016 le taux de chômage était de 6,2% alors qu’il était de 10,1% en France.  A noter que le Danemark a aussi dû faire face à l’intégration massive de migrants arrivés sur le marché du travail avec, peu, ou pas, de qualifications, ce qui a augmenté sensiblement son taux de chômage. Les données 2016 de la commission européenne indiquent en effet un taux d’activité de personnes nées hors Europe au Danemark de 68,8% contre 82% pour le reste de la population.

Si le système de l’emploi demeure performant au Danemark, dans les faits, c’est pourtant dans des pays tels que le Royaume-Uni (4,8%), l’Allemagne (4,1%), ou encore la République tchèque (4%), que le chômage demeure encore le plus bas. Le Royaume-Uni a aussi fait ses preuves en matière d’emploi, en jouant son va-tout sur la flexibilité (surtout externe) mais sans pour autant veiller à sécuriser le parcours des salariés. Du coup, bien que derrière l’Espagne ou encore la Grèce, le taux de pauvreté au Royaume-Uni figurait, quand même, en 2014, parmi les plus élevés d’Europe.

Une fiscalité forte et une main d’œuvre bien payée

Consentement  pour une fiscalité élevée. En 2015, les recettes fiscales totales en pourcentage du PIB au Danemark  étaient les plus élevées des pays de l’OCDE avec un taux de 46,6%. Elles étaient de 45,5% en France, de 36,9% en Allemagne, de 32,5% au Royaume-Uni et de 33,5% en République tchèque.

Un coût élevé de la main d’œuvre. Le coût horaire de la main d’œuvre au Danemark , est le plus élevé de l’Union européenne, 42 euros de l’heure, alors qu’il est de 10,2 en République tchèque, de 35,6 en France, ou encore de 26,7 au Royaume-Uni. Pour autant, ce coût élevé ne freine pas les employeurs dans leurs actions de recrutement.

Pourtant, peu de cotisations sociales en pourcentage du PIB en 2015. Les assurances maladie, maternitĂ©, invaliditĂ©-vieillesse-survivants (pensions sociales) et les prestations familiales sont financĂ©es par l’impĂ´t au Danemark. L’employeur ne cotise pas au titre de l’assurance chĂ´mage mais le salariĂ© peut cotiser, s’il le souhaite auprès d’une caisse de chĂ´mage agrĂ©Ă©e. Les cotisations sociales en pourcentage du PIB en 2015 sont quasi inexistantes au Danemark (0,1%) alors qu’en France, elles figurent parmi le plus Ă©levĂ©es des pays de l’OCDE (16,9%). A noter qu’en France, avec la rĂ©forme, Ă  venir, sur l’assurance chĂ´mage, les cotisations maladie et chĂ´mage, devraient ĂŞtre prochainement supprimĂ©es pour les salariĂ©s du privĂ©, une suppression compensĂ©e par la hausse de la CSG.

Un faible taux de pauvreté

En 2014, le taux de pauvretĂ© au Danemark, c’est-Ă -dire la proportion de personnes dont le revenu est infĂ©rieur au seuil de pauvretĂ©, c’est-Ă -dire Ă  la moitiĂ© du revenu mĂ©dian de la population totale, Ă©tait le plus faible de l’Union europĂ©enne avec un ratio de 0,055 contre 0,059 en RĂ©publique tchèque, 0,082 en France, 0,095 en Allemagne, ou encore, 0,105 au Royaume-Uni .

Flexibilité, employabilité et sécurité

Au Danemark la flexibilité, surtout interne, est importante. Afin d’adapter le volume de travail, au besoin de la production, sans faire varier le nombre de salariés, les durées de travail sont aménagées en fonction des besoins. Les salariés sont aussi amenés à être polyvalents, la mobilité interne est ainsi favorisée. Les montées en compétences sont encouragées. Tout ceci passe par un suivi et une formation tout au long du parcours du travailleur, ainsi que par des politiques actives de formation professionnelle continue. La population danoise bénéficie ainsi d’un haut niveau de qualification.

L’employabilité avant tout

Des emplois peu protégés. Le licenciement est facilité, mais les embauches sont aussi faciles. On observe une forte rotation des postes, chaque année, près d’une personne sur trois, change d’emploi

Trois adultes sur dix, bénéficiaires d’une action de formation en 2007. Ils étaient 29,2% en 2007 a être bénéficiaires d’une action de formation au Danemark, contre 17% en France

Le travail à temps partiel plus développé qu’en France. Au Danemark, en 2007, 21,8 des salariés exerçaient un emploi à temps partiel, contre seulement 13,4% en France.

Prises en charge publiques : comparatif avec la France

►Dépenses publiques d’éducation dans le PIB. En 2005, les dépenses publiques d’éducation dans le PIB au Danemark ont été de 8,3% contre 5,6% en France.
►Enfants de 0 à 2 ans pris en charge plus de 30 h par semaine. En 2006, 66% des enfants de 0 à 2 ans ont été pris en charge au Danemark plus de 30 heures par semaine, contre 17% en France (Hors assistantes maternelles agréées non rattachées à des structures collectives).
►Chômeurs n’ayant pas bénéficié de services préventifs (jeunes). Tous les chômeurs (jeunes) ont pu bénéficier de services préventifs au Danemark, alors qu’en France, 2,8% n’y ont pas eu accès.
►Indemnités chômage. La réforme d’austérité de 2010 a infléchi la protection sociale des danois au profit de la flexibilité. Pour autant, le parcours des salariés reste encore relativement sécurisé. Depuis 2010, les salariés peuvent encore être indemnisés sur une période de 2 ans ( 4 ans avant 2010, et même 6 ans avant 1999).

A lire aussi : La Flexisécurité a la danoise est-elle transposable en France ? 

—–

Sources :
Eurostat http://ec.europa.eu/eurostat, INSEE, OCDE https://data.oecd.org
Danemark. Le modèle de flexisécurité : continuité ou rupture ? IRES, Christèle MEILLAND
La flexisécurité en Europe. Christine Charpail et Olivier Marchand*
Commission Européenne. Compendium 2008 des indicateurs de suivi des lignes directrices pour l’emploi.
Flexicurity and Beyond
– Henning  Jorgensen  and  Per  Kongshoj Madsen 2007:https://www.amazon.co.uk/Flexicurity-Beyond-Finding-Agenda-European/dp/8757417083

 



Et vous qu'en pensez-vous ? Reagir a l'article !

Loading Comments…
more
Allowed HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <blockquote> <code> <em> <strong>
Cet article vous a plu ?
Flexisécurité : faut-il copier le Danemark ? 5.00/5 4 votes